Faire de beaux écrits comme on prépare de beaux discours
Un texte transmis à l’oral fait le plus souvent l’objet d’un raffinement; on veut que le discours porte son effet. Un rapport, une recherche, une analyse, présentés par écrit sont peu souvent travaillés sous l’aspect de l’écriture. Autant à l’oral qu’à l’écrit, le but est pourtant de communiquer de l’information. Le message qu’on veut passer est parfois encombré d’automatismes acquis dans les cours de français, qu’on utilise en ayant oublié le mode d’emploi, de digressions qui égarent, de formules commodes sans réelle signification.
La connaissance (le fond)
Tout texte a pour origine une idée à transmettre bien que le rédacteur se trouve parfois devant une page (virtuelle) blanche. Pourquoi? Parce qu’il pense d’abord à la forme. Le syndrome disparait dès qu’il jette sur le papier, sur l’écran, les mots porteurs de l’idée sans se préoccuper de leur apparence, de leur enchainement. En évitant de surcharger ainsi le texte, le rédacteur reste proche du sens, de l’articulation qu’il veut lui donner. Parfois à contrario le texte se présente tel un discours déjà tout fignolé destiné à un auditeur imaginé. L’important à cette étape est de surligner les idées maitresses, bien souvent quelques phrases.
À moins que le rédacteur ait une connaissance parfaite du sujet, augmenter son savoir met en lumière les tenants et les aboutissants de la problématique. Faire si nécessaire des recherches pour vérifier, expliciter, approfondir la matière évite de parler sans connaissance de cause; c’est le travail de fond qui donne au texte sa cohérence, ce qui fait qu’un texte est un texte.
La communication (la forme)
On communique autrement un écrit qu’un discours. Le texte porte la lecture sans diriger le lecteur.
Des paragraphes structurés facilitent la compréhension.
Élaguer autant que possible les pronoms personnels, les adresses directes pour atteindre un lecteur implicite et respecté rehausse le texte.
Le rédacteur dont le nom est mentionné en page de titre étant l’auteur du texte, l’utilisation du « je » ou du « nous » se révèle superflue; si nécessaire la forme neutre « on » est présentée.
On apprend à l’école que l’usage de marqueurs de relation donne au texte sa cohésion; c’est une reprise entre deux énoncés proches. L’abondance freine toutefois la lecture puisque la forme apparait davantage que le fond. Si marquer le lien entre des phrases reste parfois impératif, accoler le marqueur au verbe pallie l’inconvénient, rend le texte fluide; par exemple « on obtiendra par conséquent » plutôt que « par conséquent, on obtiendra ».
Préférer le pronom démonstratif « ce » au pronom impersonnel « il », sémantiquement faible; « c’est possible » au lieu de « il est possible » allège le texte d’une férule.
Écrire sans « ne pas » rend le texte positif; c’est une ouverture de la pensée.
Conserver le sujet proche de son objet préserve la concentration.
User avec parcimonie de la virgule minimise les ruptures dans la lecture; employer le point-virgule introduit une explication complémentaire.
Utiliser un seul verbe au lieu de deux ôte des hésitations, dynamise le texte. Employer le verbe juste plutôt qu’un auxiliaire ajoute de la précision.
Doubler les adjectifs mène à une inutile surenchère, au pléonasme inélégant.
Composer des phrases complètes, qu’elles soient courtes ou longues, simples ou complexes, en commençant par l’idée à communiquer en accroit l’impact.
Choisir les mots qui conviennent même s’ils sont d’un niveau soutenu de la langue améliore la clarté.
Trouver des synonymes évite la répétition, réduit la monotonie.
Soigner l’orthographe, la grammaire garde l’attention du lecteur sur le fond.
Conjuguer surtout au présent, jamais au désuet passé simple, ancre le texte dans la réalité. Le temps futur évoque le temps seulement puisque le rapport, la recherche, l’analyse ont déjà été écrits; l’imparfait convient pour les explications.
Employer un logiciel de révision de texte deux fois plutôt qu’une en facilite le rehaussement.
La mise en valeur du texte (l’apparence)
L’aspect esthétique met en avantage le fond et la forme, rend fluide la lecture, accroit le plaisir de lire. Les principes qui sous-tendent l’apparence du texte écrit ou affiché sont le respect du lecteur, le souci de servir la cohésion du propos.
Éviter la surabondance d’effets de style, les contrastes prononcés qui distraient de l’essentiel. Les attributs servent de points d’orgue; tels le gras pour l’amplification, l’italique pour les citations et les mots en langue étrangère, le soulignement pour les adresses de courriel ou de sites internet.
Les portions d’espaces ajoutés pour aligner du texte contre la marge droite nuisent à la fluidité de la lecture; préférer un alignement appuyé sur la marge gauche.
Les retraits simples par rapport à la marge gauche conviennent pour les citations et les listes à puces; cela évite les désalignements.
S’en tenir à un seul niveau de liste simplifie la lecture en préservant le fil.
Choisir un caractère discret pour la puce met l’accent sur la liste.
Éviter de séparer par une ligne blanche le titre de son paragraphe ou la phrase d’énumération de sa liste à puces augmente la cohésion visuelle.
Le plaisir de lire
La connaissance (le fond), la communication (la forme), la mise en valeur (l’apparence) constituent la trame du texte. Le texte raisonné qui s’y dépose est clair, cohérent, convaincant, efficace, exhaustif, logique, pertinent, progressif, structuré, vrai.
Le style donne le plaisir de lire. L’efficacité, la pertinence apportent une force de conviction qui séduit. Lire à haute voix permet de se rendre compte du mouvement, de l’effet du texte.
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